Les femmes dans le polar
Vendredi 27 septembre, l’AS Musau organisait dans son club-house une rencontre littéraire « Les femmes dans le polar ». Écrivains, membres du club, amis et partenaires, une trentaine de personnes avaient répondu à l’invitation du club.
Après avoir accueilli les participants, Bernard Bloch (vice-président du club) a rappelé que l’AS Musau était un club de football notamment engagé dans l’insertion des jeunes et le développement du foot féminin.
Lire notre monde
« Plus que le foot, c’est d’émancipation des femmes dont il est question. Cela passe par le sport, mais aussi par la culture. C’est pour cela que nous avons répondu à l’appel à projet Strasbourg Capitale Mondiale du Livre UNESCO 2024 et le programme Lire notre monde notre pour organiser des événements littéraires ici à l’AS Musau. » Voir nos événements littéraires).
Après une première rencontre en mai dernier sur Les femmes dans la littérature avec trois autrices, et avant celle du 11 octobre prochain sur Le sport dans les livres avec trois journalistes et auteures passionnés, l’AS Musau proposait donc une rencontre sur Les femmes dans le polar, avec un libraire expert ès polars, Éric Schultz (Librairie La Tâche Noire), et deux auteures régionales, Dominique Gouillart et Christine Daux.
Autrices ou illustratrices de polars, mais aussi inspectrices, victimes ou tueuses, ou tout simplement lectrices, quelle place occupent les femmes dans le polar ?
Pour répondre à cette question, Éric Schultz a rappelé quelques chiffres. « Côté lecteurs, dans les études qui existent sur le sujet, et c’est ce que je vois dans ma librairie, 75% des achats de polars le sont par des femmes. Par contre, côté auteurs de polars, 40% d’entre eux sont des femmes, mais elles ne représentent pourtant que 20% des auteurs médiatisés. »
Eric a ensuite expliqué la genèse du roman policier. « Jusqu’au XIXe siècle, les livres étaient surtout des romans de voyages et d’aventures. Avec la révolution industrielle et l’exode rural vers les grandes villes, des auteurs ont commencé à s’intéresser aux bas-fonds des villes, à la pauvreté et la prostitution. Le roman noir était né. Les héros étaient principalement des hommes, reflets d’un monde macho, bourré de clichés : des flics dépenaillés portés sur l’alcool secondés par des secrétaires cruches, pulpeuses et pimpantes, des femmes victimes assassinées de préférence de manière sordide, des femmes séductrices et toxiques. Des autrices ont rapidement émergé pour proposer des enquêtes davantage psychologiques. »
À partir des années 1970, des autrices essaient de renverser ces tendances. « On retrouve alors trois types de femmes, précise Eric. Ce sont des enquêtrices qui reproduisent le genre masculin. Ou bien des femmes criminelles qui scandalisaient le public pour ce qu’elles faisaient subir aux hommes. Ou bien encore des fliquettes qui menaient leurs enquêtes avec leur vécu de femme, leurs enfants, la ménopause, les règles. »
Deux auteures de polars
Les romans policiers de Christine Daux mettent ainsi en scène un enquêteur, le major Alexandre Desaix, de la Brigade de Recherches de Saint-Dié. « Mon expérience de psychologue a développé mon intérêt pour les ressorts psychologiques des actions humaines. »
Dominique Gouillard ne se pose pas vraiment la question. Ses enquêtes sont menées par un duo formé par le commissaire Landrini et la journaliste Ira Hope. « J’enseigne la littérature et je n’ai pas l’impression d’avoir une écriture féminine ni une approche particulièrement féminine de mes personnages. J’essaye surtout d’écrire des images avec un vocabulaire accessible au plus grand nombre. Mes lecteurs apprécient mon style car ils ont le sentiment de voir mes personnes en action. »
Si elles ont toujours écrit pour elles, Dominique et Christine ont attendu d’avoir la cinquantaine pour trouver leur éditeur et publier leurs romans. « J’ai mis trois ans pour écrire mon premier polar, explique Christine. J’ai eu la chance d’être parrainée et marrainée par des auteurs des Éditions du Bastberg. Au début on écrit pour des raisons très personnelles, puis on évolue en fonction des retours de mon éditeur et des lecteurs… »
Agrégée de lettres et mère de quatre enfants, Dominique n’envisageait pas de carrière littéraire. A la cinquantaine, elle a intégré les auteures du Verger Éditeur où Éric Schultz a pris la suite de Pierre Marchand pour diriger la collection Les enquêtes rhénanes. « Pierre avait senti une plume féminine et il était content d’ajouter une autrice à son panel, se souvient Dominique. Ce n’était pas si simple. Durant les salons, certains lecteurs pensaient que j’étais la secrétaire et non l’autrice. »
Comme le souligne explique Éric, « écrire prend du temps et c’est difficile à conjuguer avec les vies professionnelles et pour les femmes, les activités domestiques et familiales qu’elles continuent à assurer davantage que les hommes. Cela explique certainement les biais de visibilité que j’évoquais auparavant. »
La soirée continue avec les témoignages de nos auteures et les échanges avec le public présent.
21 heures. Il est l’heure de conclure et, après une séance de ventes et de dédicaces, une vingtaine de participants ont prolongé la soirée autour d’un repas commun. Bref, une belle soirée associative dans un club de foot pas vraiment comme les autres.
PS : Merci à Ambroise Perrin (auteur et ancien journaliste TV) pour ses photos et pour son texte Vive les femmes ! offert au club et publié sur notre site !
Éric Schultz
Eric Schultz est le gérant de la librairie La Tâche noire, située 1 Rue de Zurich, à l’angle du Quai des Bateliers à Strasbourg. Cette librairie pas comme les autres est spécialisée dans les romans policiers.
Eric est également le directeur de la collection Les enquêtes rhénanes (Le Verger Éditeur).
Avant d’ouvrir sa librairie en septembre 2018, Eric a été élu écolo à la mairie de Strasbourg, a bossé dans l’associatif et enseigné à Sciences-Po.
Dominique Gouillart
Romancière, Dominique Gouillart a écrit 4 romans policiers édités dans la collection Les enquêtes rhénanes (Le Verger Éditeur) : Une ombre au tableau (2024), L’or du Rhin (2022), Le monstre vert de Strasbourg (2021), Échec à la reine (2018).
Dominique Gouillart est membre actif de la société d’études holmésiennes Les évadés de Dartmoor. Elle a publié plusieurs articles et nouvelles dans la revue Le Carnet d’écrou.
Universitaire, elle est spécialiste des littératures de l’Antiquité.
Christine Daux
Romancière policière, Christine Daux a écrit 3 polars publiés par Éditions du Bastberg : La fille aux amulettes (2021), Le mauvais conte (2017), Le garçon perché (2015). Tous se déroulent entre les Vosges et la vallée de la Bruche.
Psychologue clinicienne, elle a travaillé en institution spécialisée et psychologue du travail à Strasbourg. Son expérience de psychologue auprès de publics variés a développé son intérêt pour les ressorts psychologiques des actions humaines.
Christine Daux exerce également comme formatrice et animatrice d’ateliers d’écriture.
Bernard Bloch
« Connecteur d’idées et d’humains » comme il se définit sur son profil Linkedin, Bernard Bloch est également vice-président de l’AS Musau.
Nous l’avions interviewé sur le programme littéraire imaginé à l’AS Musau. Ce n’est pas parce qu’on est footballeur qu’on est con ! Pour ma part, j’ai toujours aimé lire et dans mon premier métier de publicitaire, j’adorais écrire. Et puis, il y a une dizaine d’année, j’ai eu l’opportunité d’organiser et d’animer des rencontres littéraires et musicales dans une librairie de Strasbourg. J’ai des amis chanteurs, écrivains, auteures, journalistes, libraires, éditeurs. C’est une chance et j’ai envie d’en faire profiter mes mondes parallèles, amis et associatifs. » Lire la suite