Le sport dans les livres
Vendredi 12 octobre, une vingtaine de personnes participent à la nouvelle rencontre littéraire organisée par le club dans le cadre de Strasbourg Capitale mondiale du livre Unesco 2024.
Après Les femmes dans la littérature, puis Les femmes dans le polar, la troisième rencontre porte sur Le sport dans les livres.
En guise d’accueil, Bernard Bloch (vice-président du club) rappelle pourquoi l’AS Musau avait répondu à l’appel à projet Strasbourg Capitale mondiale du livre. « Le club que préside Olivier Flick doit sa réputation car il est familial et ouvert sur la réalité de son territoire. C’est ce qui fait sa force depuis sa création il y aura bientôt 80 ans et qui est gravé dans notre ADN et nos valeurs. Avec le Comité, nous sommes persuadés que nous avons une responsabilité sociale.
Si nous avons la chance d’attirer 400 footballeuses et footballeurs qui vont passer une partie de leur vie au club, nous avons aussi une responsabilité pour les aider à s’épanouir dans leur vie citoyenne et à s’insérer dans la vie professionnelle.
Avec le programme Lire notre monde que nous avons imaginé à la Musau, nous voulons ainsi amener des publics du territoire potentiellement éloignés de la littérature à découvrir et apprécier l’univers du livre. Mais nous voulons aussi libérer l’expression collective au sein de notre association et de notre écosystème socio-éducatif. L’éducation aux médias et à l’information se fait aussi dans un club de foot et sera l’un des thèmes abordés avec nos jeunes lors du prochain stage de Pâques.
Dans la même logique, nous organiserons le 11 janvier prochain une table-ronde sur Les métiers du livres (détails et inscriptions) et nous réfléchissons à organiser ce jour-là un job dating avec la filière du livre et la Mission locale et France Travail.
Cela fait déjà un beau programme, mais nous avons un autre grand projet que nous avons démarré en vue de créer un livre illustrant la genèse et le développement du football féminin en France. Un projet que nous codéveloppons en partenariat avec des étudiants de la Haute École des Arts du Rhin, sous la houlette de Joseph Béhé, avec le soutien de la Ligue du Grand Est de Football. »
Avant de donner la parole à l’Adjoint aux Sports de la Ville de Strasbourg venue participer à ce début de soirée, Bernard se souvient que c’est un post Linkedin d’Owusu Tufuor dans lequel il invitait les associations à répondre à l’appel à projet Lire notre monde, qui a incité le club à y répondre et que cela explique pourquoi une telle rencontre littéraire est organisée dans ce club-house.
« Merci et bravo à l’AS Musau d’organiser cette nouvelle rencontre littéraire, souligne Owusu Tufuor avant d’expliquer qu’il était essentiel que Strasbourg Capitale mondiale du livre Unesco 2024 se délocalise dans les quartiers périphériques et dans les associations. C’est là que des milliers d’habitants passent beaucoup de temps à vivre leurs passions et s’entraider, et c’est là qu’il fallait aussi que la culture se déploie. Vous êtes un club qui a parfaitement compris que l’insertion se faisait au sein de votre association et en plus vous le réalisez concrètement. Le livre n’est pas à la portée uniquement des personnes qui ont fait de grandes études mais il est universel et l’AS Musau en est un très bel exemple. En plus, vous le faites avec des partenaires de proximité, ce qui encore plus à votre honneur. »
Reprenant la perche tendue, Bernard présente alors les invités du soir : deux journalistes et écrivains, Eric Genetet et Sébastien Ruffet, et un éditeur, Bruno Chibane.
Plus que de lire du sport, c’est surtout d’émotions partagées dont il est question, à l’image des 26 textes qui composent le livre de Sébastien Ruffet, « Le foot amateur, un vrai bonheur ! »
« Je suis journaliste et je commente les matches du Racing pour RMC, explique Sebastien. Et comme j’ai aussi été footballeur amateur et entraîneur de clubs de villages, je sais toute l’émotion que les passions et les amitiés qui se jouent autour du gazon et du club-house, comme ici ce soir. C’est cela que j’ai essayé de transcrire dans mon livre. »
Je bosse demain ! ; On est chez nous les gars ; Oubliez pas le changement d’heure ; Quelqu’un a des protège-tibia ? ; Ils puent les maillots ; …
A la simple lecture des titres, le public de footeux présents sourit déjà, devinant parfaitement ce que les textes abordent. Extrait de l’un d’entre eux. Son titre : Entraînement des gardiens.
« Les gardiens sont bien souvent livrés à eux-mêmes. En guise d’entraînement : se prendre des frappes non-cadrées toute la soirée.
(…) Dans les faits, que se passe-t-il ? Une-deux approximatif entre Fabrice et Mika au départ, ballon qui arrive en rebondissant jusqu’à Christophe, qui lance un peu trop fort Anto dans la profondeur, et plutôt que de la contrôler tranquillement – parce qu’on est à l’entraînement – il va tenter un centre en première intention qui arrive direct dans le jardin du voisin derrière le but, ou dans le ruisseau pour la petite variante nature.
La situation va se répéter à peu près une fois sur deux, même si parfois celui qui occupe le poste d’ailier va réussir à centrer DANS le terrain, mais soit trop court, soit trop long, soit trop en retrait, et si par hasard le ballon parvient à celui qui est en position d’attaquant, encore faut-il que la frappe soit cadrée ! Donc en tout, si le gardien a pu faire trois arrêts en quinze minutes, il est content.
On a aussi la situation où l’entraîneur ne fait que du jeu, de la conservation de balle, et le gardien devient alors joueur de champ. Ce qui évidemment lui sert beaucoup pour sa prise de balle.
Ainsi va la vie du gardien de district, l’indispensable du dimanche mais l’oublié du jeudi. »
A voir les visages des participants, le public est déjà conquis.
Comme Sébastien, Éric Genetet est journaliste à Top Music et chronique à Maxi Flash Haguenau. Mais Eric est aussi écrivain et il a déjà signé plusieurs romans.
Les joies, les peines, les souffrances, j’essaye de les décrire et le sport vient parfois faire écho à ces émotions.
Comme Sébastien, Éric Genetet est journaliste à Top Music et chronique à Maxi Flash Haguenau. Mais Eric est aussi écrivain.
S’il a écrit deux livres d’entretiens avec Gilbert Gress, l’entraîneur iconique du Racing, champion de France 1979, Éric est depuis devenu romancier, fort de dix romans déjà publiés.
« Tu n’écris pas sur le sport mais le sport prend une place prépondérante dans tes romans ? l’interroge Bernard.
« J’ai été animateur sportif à la télé et à la radio et je sais que le sport véhicule de la passion et énormément d’émotions, explique Éric. Mes romans racontent des rencontres, des fuites, des amours compliqués, des secrets de familles. Les joies, les peines, les souffrances, j’essaye de les décrire et le sport vient parfois faire écho à ces émotions. »
Bernard propose à Eric de lire un extrait de son premier roman Chacun son Foreman, paru ensuite sous le nom de Solo (2013- Le Verger Editeur). En toile de fond de ce roman, le plus grand moment de l’histoire de la boxe : le combat entre Foreman et Ali à Kinshasa en 1974. Mais ce n’est que la toile de fond. Extrait.
« J’avais onze ans. La télé annonça la défaite du plus grand boxeur de tous les temps. Muhammad All perdait pour la dernière fois son titre de Champion du Monde contre le jeune Larry Holmes. Il y avait dans ces images quelque chose de tellement pathétique. Un drame s’était produit, All ne boxerait sans doute plus jamais.
Mon père a éteint la télé, son visage était triste, profondément, pour la première fois je crois. Le silence était chargé d’émotions que je ne reconnaissais pas.
Habituellement, sa voix grave et froide me rappelait les doublages en français des vieux films de James Dean, mais ce soir-là elle était douce.
Il m’a raconté la vie d’Ali, pour lui, le combat contre Georges Foreman, The rumble in the jungle* en 1974 au Zaïre aura été le plus grand moment de l’histoire du sport Il m’a dit comment Ali avait battu l’invincible Foreman, le gagnant désigné, et repris son titre dix ans après l’avoir conquis pour la première fois. Comment Ali s’était entrainé, courant des centaines de kilomètres, refaisant ses gammes chaque jour transpirant des litres, de quoi remplir une piscine. En rajoutait-il un peu ?
« Jamais personne n’a manifesté autant de conviction et de confiance en soi. Ali préparait le changement du monde. » Et de conclure : « Chacun son combat Antoine, chacun son Foreman. »
J’ai revu ce choc, puis des documentaires, des films ; quelque chose me touche dans la vie de cet homme, une portion d’enfance, que je n’ai pas envie de comprendre maintenant, ou pas la force.
Mon père est mort en 1996. Ce jour-là, Ali, la main tremblante de la maladie de Parkinson, allumait la flamme des J.O. d’Atlanta. »
Dans son quatrième roman, Tomber (2016 – Editions Héloïse d’Ormesson), Eric décrit une autre histoire de famille. Cette fois, c’est la victoire mythique de Noah face à Wilander à Roland-Garros en 1983. « Nous sommes en juin 1983 et Mariano trépigne d’impatience, Noah va jouer la finale de Roland Garros ! L’excitation est à son comble, mais c’était sans se douter que cette journée, bien au-delà de l’exploit sportif, changera le cours de sa vie… » Tomber a gagné le prix Folire et le prix de la Ville de Belfort.
Les mythes sont au cœur des inspirations de Bruno Chibane.
« Je ne suis pas écrivain, même si j’écris parfois quelques éditos ».Non, Bruno est éditeur. Comme il l’écrit sur le site web de sa maison d’édition,« Chicmedias est une maison de passions qui, au gré des rencontres, édite régulièrement des livres avec des artistes et personnalités qui ont pu croiser notre route. »
« Justement, je t’ai croisé la première fois il y a bien longtemps à l’époque de ta première revue, Limelight, consacrée au cinéma, l’interpelle Bernard. Déjà à l’époque, tu te démarquais par ton extrême exigence qualitative pour le fond et la forme de tes productions. Et c’est resté ta marque de fabrique. »
« Effectivement. Mon exigence a un coût qui fragilise notre modèle économique. Mais on est toujours là, avec notamment nos city-magazines, Zut et Novo. Ce sont des magazines de qualité, diffusés gratuitement, et financés par la publicité de nos annonceurs.
Zut s’attache à toutes les facettes de la ville d’aujourd’hui, aux richesses de notre région. On y partage nos coups de cœur, de part et d’autre du Rhin.
Quant à Novo, ce magazine aborde la culture sous toutes ses formes – théâtre, art contemporain, cinéma, musique, danse ou littérature – mais vus par des personnalités qui font l’actualité. »
Ce sont les gens qui m‘intéressent et ils sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils voient, entendent et ressentent
Ce regard humain porté sur notre environnement, c’est ce qui fait la particularité des magazines édités par Bruno.
« Ce sont les gens qui m‘intéressent et ils sont les mieux placés pour décrire ce qu’ils voient, entendent et ressentent. »
Bruno s’est ainsi lancé dans de nombreux hors-séries dont quelques hors-séries de Zut consacrés à la folie bleue de notre région, le Racing !
« Nos hors récits sur le Racing s’appellent tous « Un seul amour et pour toujours » et c’est bien plus que l’amour que nous essayons d’expliquer. Je suis Colmarien mais le Racing a toujours été une passion très forte en émotion. Et cela s’est décuplé depuis que je travaille à Strasbourg. »
Extrait d’un témoignage de Charly Weber (Zut hors-série Racing n°3), interviewé par Lucie Chevron. Charly commente les matches sur RFM et son premier souvenir lié au Racing remonte à 1991.
« J’avais huit ans et c’était mes premières fois au stade de la Meinau avec mon père. On partait de mon petit village alsacien toujours un peu à l’arrache, mais à chaque fois, c’était un jour de fête : le stade, le bruit, le foot. On a vécu des moments assez incroyables. A l’époque, Éric Sold commentait les matchs sur Radio France Alsace. Je me souviens avoir été scotché à ce mec. D’ailleurs, c’est un peu grâce à lui que je fais aujourd’hui de la radio. »
Des mots que Bernard aurait pu prononcer, lui qui a eu Éric Sold comme prof de sciences en seconde et qu’il écoutait à la radio comme des milliers d’Alsaciens.
Des mots. Des voix. Des sourires. Des émotions.
La soirée se poursuit avec d’autres récits. Et puis nos trois invités ont ensuite pu dédicacer leurs ouvrages vendus avec la complicité d’Alexandra Zins et de la librairie Dinali.
Comme dans tout bouquin d’Astérix, la soirée s’est terminée autour d’un grand repas qui réunissait la quasi-totalité des participants. On vous le disait : le foot amateur, un vrai bonheur !